Depuis les origines, l’homme ramasse, récolte et collecte. Ces prélèvements tracent les étapes de son évolution et imposent sa marque croissante sur son environnement. Au commencement, c’était une nécessité vitale, puis ce fut une volonté de découvrir son milieu naturel et de composer avec lui. Mais c’est aussi, depuis des millénaires, pour manifester son désir de possession. Ces démarches successives l’ont amené à porter un regard sur lui même et à prendre, occasionnellement, conscience de sa place sur la terre.
Lors de mes randonnées dans la campagne ou sur le bord de mer, je ramasse des pierres que je rapporte à l’atelier. Je les fends, les ouvre, les grave d’un signe et je les referme avec des liens végétaux. Puis je les restitue à leur site d’origine, ainsi elles retrouvent leur place dans le cycle de leur érosion. Elles retournent à leur muette mémoire que seule mon empreinte aura troublé le temps de leur absence et qui intriguera, peut-être, un promeneur attentif au monde.
Michel Thamin [ https://thamin.eu ]
Le sculpteur va dans les champs
Les champs de terre et de pierres
Il va passant les yeux baissés
Attendant qu’une le hèle à son gré
Son silex aiguisé son arête de faux
La lame d’un aplat le val d’une fissure
La paille d’un méandre ou sa rondeur de pomme
L’excroissance d’un sable pris
Une carapace d’insecte l’unité de son timbre
Bref le voici pris
La voici prise
Empochée son repère noté
Le sculpteur va dans sa vie
Sa vie de ciseau de grenage
Il a posé la pierre
Au creuset d’un ciboire
Un outil fend en deux
Le granit ou le marbre
Le schiste ou le caillou
Dans le cœur du symbole
Aux deux faces siamoises
Il inscrit quelque signe
Signature stigmate
Incision indolore
Il ajuste les lobes
Renoue leur unité
Joint de fil à tresser
Les cassures qui se reconnaissent
L’objet de pierre et de corde
Au cœur strié de doute
Retrouve peu après
L’empreinte d’invention
Un promeneur va dans les champs
Les champs de terre et de pierres
L’œuvre du temps l’étonne
Qui a noué de fil les unités
Jumelles dans la pierre taillée
Il ouvre l’objet d’homme
Et sans dénouer le symbole
Peut déceler les traits
De scarification
Et le sculpteur depuis long temps
A mis le champ à l’abandon
Peuple d’autres mystères
Les sentiers les sillons
Laissant aux mains humaines
Le soin d’entretenir le jeu
De son jardin de pierres
A l’infini de l’ensemencement
Jean Jordy
©Adagp, Paris, 2024
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